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le romantisme féminin

la porte de son ménage quelques fantômes de détestables inspirateurs ; il a jeté dans le jardin les plus mauvais livres. Aussi la romantique est-elle en voie de s’apaiser et de s’épurer. S’éclaircira-t-elle ?

C’est une erreur de croire que la raison ne soit que l’absence de la folie. Mais il serait curieux de voir ce qu’une femme évidemment douée de l’imagination du langage saurait donner dans l’ordre d’un art tout à fait sain. Celle-ci s’est rageusement complu à défaire le précieux composé auquel nos ancêtres avaient appliqué leur génie. Comment s’y prendra-t-elle si elle veut recoudre après avoir taillé ! L’osera-t-elle ? Et quel sera son pouvoir ? Entrevoit-on chez elle un goût dominant qui soit capable de discipliner les autres, et les ordonner tout vivants ? Ce que j’ai lu permet de poser ces questions, mais ne permet pas d’y répondre.

Un critique et un sage qui est grand admirateur de Mme  Mardrus, M. George Malet, méprise nos doutes. Il affirme déjà la maîtrise du poète. « Pour ceux qui ne l’auraient pas senti, que dire ? » ajoute-t-il. « On ne prouve pas plus la beauté et la grâce d’une Muse que le charme d’une femme[1]. » S’il ne se prouve pas, le charme s’analyse, et celui-ci accuse l’incertitude et l’acidité du printemps[2].

  1. Gazette de France du 30 juin 1902.
  2. Le dernier volume de Mme  Mardrus, Horizons, nous montre les progrès remarquables ou, pour tout dire, merveilleux, et j’en conviens, presque inattendus, de son art, au point de l’élever brusquement au tout premier rang. Cet art devient plus sain, en même temps qu’il prend des forces. Il faut constater que le démon de la perversité y gagne d’un autre côté. Dans sa vive et pénétrante intelligence, le jeune poète a fort bien saisi le parti que tiraient de