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madame lucie delarue-mardrus

tons fondus et les tons tranchés, ou voyants, se heurtent dans le même vers. La beauté de l’un est faite d’une allusion presque inextricable, la beauté de l’autre d’une vieille paire d’images très brusquement désaccordées, la laideur d’un troisième d’une image trop neuve, ou d’un couple contradictoire forgé sur une enclume sourde qui ne connaît point la pitié. Tous ces éléments dont l’auteur qualifierait la rencontre de « spontanée » semblent, au contraire, assemblés par le plus volontaire des jeux, pour le plus agressif des défis, dans le plus fantasque des rêves : caprices d’une petite fille, au surplus fort originale, plus encore désireuse de le paraître.

Et cela revient, en somme, à l’état d’esprit de Petrus Borel aux premières heures du romantisme, mais recommencé et revécu de bonne foi. On veut étonner le bourgeois, car il faut que le bourgeois soit saisi d’horreur. Il le faut, si l’on tient au véritable objet de la poésie, qui est l’exposition complète, l’expression totale d’une âme : non de l’âme humaine dans son étendue et sa profondeur, mais bien de l’âme de cette jeune demoiselle dans ses différences et ses particularités. Il ne s’agit pas d’être le plus humain possible, mais d’être jusqu’au bout Lucie Delarue : et non point parce qu’elle est charmante, mais parce qu’elle est elle. Il s’agit donc d’être Elle, dans son elle au superlatif.

— Ce langage m’exprime et m’exprime seul tout à fait, telle que je me sais, en ma personnalité fondamentale. Moi, je parle bizarre, comme d’autres parlent