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iii

MADAME LUCIE DELARUE-MARDRUS


Tout poète sincère, fût-il né Shakespeare ou Virgile, confesse l’influence des lectures qu’il a faites dans sa jeunesse : elles ont eu la même importance pour la direction de sa vie que la terre natale ou le sang paternel. Si le rêve consiste à émigrer de soi, il faut des excitants qui donnent l’idée du voyage et tracent le contour des rivages à visiter : l’imagination des hommes d’autrefois s’enflammait dans les contes de nourrices, sur les récits des voyageurs et des marins, sur l’ancien fonds des mythologies religieuses. Aujourd’hui les livres nous concentrent toutes ces sources. Qu’ils soient sacrés, qu’ils soient profanes, collectifs ou étroitement personnels, nos premiers rêves sortent des livres. Il y a plus de sot orgueil à le contester que de modestie à en convenir simplement.

On ne peut donc exagérer le poids d’une lecture sur l’imagination solitaire d’une enfant vierge que le rayon de la poésie a touchée. Cette action, si elle s’exerce de bonne heure, ne s’arrêtera pas seulement aux thèmes, aux sujets de la rêverie, elle descendra