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le romantisme féminin

de gaminerie et de gentillesse, tient à la conclusion sérieuse que l’on y a cousue.

Je sens bien que ce dénouement plein de sensibilité, ce ton exalté et jureur, ces airs penchés, ces mensonges de la tendresse sont prescrits par nos modes sentimentales. Mais je ne traite pas de l’exactitude historique de la peinture ou de sa ressemblance avec les mœurs du temps. Il s’agit de savoir le mérite d’une œuvre d’art. Le Daphnis et la Chloé de Mme Henri de Régnier n’en sont certes pas à ce point où le caprice et le jeu d’amour se transforment subitement en passion ardente et profonde ; mais ils ont lu Tolstoï, qui leur a enseigné qu’il fallait être bon. Les pauvrets s’y appliquent : faute de mots justes pour exprimer avec simplicité une minute d’attendrissement fugitif, ils en arrivent à pervertir un sentiment vrai et les deux beaux enfants en restent déformés et estropiés ! À la dernière page, leur petite paire de larmes inutiles nous est plus désagréable que la tache de sang. Jamais les nobles larmes n’ont souffert l’affectation, l’artifice, la volonté. L’hypocrisie contemporaine ayant obligé notre auteur au métier de pleureuse, il s’en est mal tiré. Telle est son étoile, bonne ou cruelle. Et voilà les fadaises que Mme de Régnier n’écrira jamais de bon cœur. Elle fera habilement la version ou le thème imposé par les convenances, elle n’y mettra ni conviction ni amour ; trop clairvoyante pour divaguer dans le ton des contemporaines, trop incertaine pour les quitter et se retrouver.

La critique devrait élever des poteaux revêtus d’ins-