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le fondateur du positivisme

pour la rédiger, une sorte de rythme ; il aggrava ce rythme de nouveaux artifices mathématiques, dont l’explication tiendrait trop de place, quand il écrivit la Synthèse subjective. Ce régime austère qu’il eût voulu imposer à la poésie de son temps, comme à son art particulier, tendait, dit-il, « à concentrer la composition, esthétique ou théorique, chez les âmes capables d’en apprécier l’efficacité sans en redouter la rigueur ». Les cadres immuables de ce régime « ne conviennent d’ailleurs qu’aux grandes intelligences fortement préparées où ces formes secondent la convergence et la concision ».

Il se rendait justice en se classant parmi les grandes intelligences : ainsi Dante se met entre les grands poètes. Si la mémoire lui fournissait un nombre infini de matériaux de tout ordre, puisés dans la science, l’histoire, la poésie, les langues ou même dans l’expérience de chaque jour, ce trésor était employé par une raison critique et une puissance de systématisation qui n’y étaient pas inégales. Mais le travail se fit d’autant plus énergiquement qu’il était activé par une âme plus véhémente. Peu de sensibilités seraient dignes d’être comparées à celle de Comte. Elle ne cessa de sentir l’aiguillon des médiocrités de la vie.

Mais les forts ne souffrent pas inutilement. Auguste Comte débuta comme la plupart des jeunes gens. Il se complut longtemps dans les erreurs de la jeunesse. Pareil au grand poète qu’il préférait à tous les autres et que j’aime à citer à propos de lui, Comte aurait pu avouer que, « presque au commencement de la mon-