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préface

notre civilisation : le goût, les mœurs, la pensée même ! Je voudrais me tromper : mais, après tant de siècles de vie intellectuelle très raffinée, une haute classe française qui n’aime plus à lire me semble près de son déclin.

On dit que la culture passe de droite à gauche, et qu’un monde neuf s’est constitué. Cela est bien possible. Mais les nouveaux promus sont aussi des nouveaux venus, à moins qu’ils ne soient leurs clients ou leurs valets, et ces étrangers enrichis manquent terriblement, les uns de gravité, de réflexion, sous leur apparence pesante, et les autres, sous leur détestable faux vernis parisien, de légèreté, de vraie grâce. Je trouve superficiel leur esprit si brutal ! Si pratiques, si souples, ils laissent échapper le cœur et la moelle de tout. Comment ces gens-là auraient-ils un goût sincère pour nos humanités ? Qu’est-ce qu’ils peuvent en comprendre ? Cela ne s’apprend point à l’Université. Tous les grades du monde ne feront pas sentir à ce critique juif, d’ailleurs érudit, pénétrant, que, dans Bérénice, « lieux charmants où mon cœur vous avait adorée » est une façon de parler qui n’est point banale, mais simple, émouvante et très belle. Le mauvais goût des nouveaux maîtres nous fait descendre un peu plus bas que la rusticité ou la légèreté de l’ancienne aristocratie. Eux aussi préfèrent au livre le salon de peinture et l’art indus-