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auguste comte

avaient toujours plus ou moins existé à l’état flottant. Voilà ce qu’il ne faut pas oublier si l’on veut connaître, comprendre, apprécier ce que cet homme, qui passe pour orgueilleux et qui fut si humble, avait dans la pensée quand il fondait sa religion. Le dogme en est si peu arbitraire que l’Olympe de Comte a toujours fait l’objet du culte des sensibilités délicates et des imaginations exaltées, à quelque genre de religion qu’elles appartinssent.

Il a pareillement classé, nommé, qualifié toutes les autres vénérations instinctives. Il a organisé et pour ainsi dire, ajusté en moraliste, mais aussi en mathématicien, avec précision et finesse, les plus nobles ressorts de l’homme moderne : honneur, gloire, pudeur, enthousiasme, dignité, intégrité. Il ne s’est jamais flatté de les inventer. Les formules de ce système et de cet ordre peuvent être trouvées surprenantes ou choquantes. Avant de les railler ou de les censurer, il faut voir si elles ne correspondent pas à des faits reconnus.

C’est un fait que, dans beaucoup d’esprits, la vie religieuse est devenue affaire de tradition plus que de foi, de point d’honneur personnel ou domestique plus que de certitude individuelle.

C’est un fait que le culte des morts se développe dans les grandes villes du monde occidental.

C’est un autre fait que les jugements de la postérité, les visions de l’avenir impressionnent et déterminent les grandes âmes. Avant que Comte eût pu parler d’immortalité subjective, le fier Danton avait