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l’avenir de l’intelligence

nous tous vous refusiez d’accepter pareille disgrâce. Votre optimisme naturel nous pénétrait.

Tout compte fait, vous êtes trop bon pour votre siècle, mon cher ami. Examinons-le de plus près. Commençons par ce qui subsiste du vieux monde français. Nous rencontrerons des amateurs de musique, des collectionneurs de peinture, d’armes et autres bibelots. L’histoire garde ses fidèles, et aussi la pure science. Ce que nous aurons peine à trouver en un siècle où tout le monde écrit et discute, ce qui ne s’y rencontre à peu près nulle part, c’est l’amour éclairé des lettres, à plus forte raison le goût de la philosophie. Ni le Discours sur la méthode ni l’Augustinus n’auraient beaucoup de lecteurs ou même de lectrices parmi nos personnes de qualité, qui vont écouter M. Ferdinand Brunetière. La notion d’un certain jeu supérieur de l’esprit est donc perdue complètement. Les livres, les vrais livres, sont complètement délaissés, et voilà un bien mauvais signe ! Je ne fais tort ni aux arts ni à la science. Il est cependant vrai que ces puissantes disciplines ont besoin des lettres humaines. Exactement, elles en ont besoin pour se penser. Elles attendent de l’expression littéraire un charme lumineux et une influence sublime qui paraissent tenir à la dignité du langage plus encore qu’à la beauté magnifique du style. Les échecs, les reculs du livre intéressent, au plus vif et au plus sensible,