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asservissement

ne serait point de ne nous souvenir que de notre origine et de notre rang naturel, sans frayer avec des confrères, ni avoir souci des mondains. L’expédient n’est pas toujours pratique. Renan disait que les femmes modernes, « au lieu de demander aux hommes des grandes choses, des entreprises hardies, des travaux héroïques », leur demandent « de la richesse afin de satisfaire un luxe vulgaire ». Luxe vulgaire ou bien désir, plus vulgaire encore, de relations.

L’ancien préjugé favorable au mandarinat intellectuel conserve sa force dans la masse obscure et profonde du public lisant. Il ne peut le garder longtemps. La bourgeoisie, où l’amateur foisonne presque autant que dans l’aristocratie, s’affranchit de toute illusion favorable et de toute vénération préconçue. Son esprit positif observe qu’il y a bien quatre ou cinq mille artistes ou gens de lettres à battre le pavé de Paris en mourant de faim. Elle calcule que, des deux grandes associations professionnelles de journalistes parisiens, l’une comptait en 1896 plus du quart, et l’autre plus du tiers de ses membres sans occupation[1]. Elle prévoit un déchet de deux ou trois mille malheureux voués à l’hospice ou au cabanon. Les beaux enthousiasmes des lecteurs de Hugo et de Vacquerie paraissent donc devoir également fléchir dans la classe moyenne.

Ils se perpétuent au-dessous, dans cette partie du gros peuple où la lecture, l’écriture et ce qui y res-

  1. J’emprunte cette donnée au livre de M. Henry Bérenger, la Conscience nationale (Paris, Colin).