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préface de la deuxième édition

un peu craint de trop réussir ? d’aller trop loin dans les directions purement patriotiques ? de trop céder à ce que le vocabulaire de leur jeunesse appelait réaction ? et, moyennant ces mots en l’air, ne leur inspirait-on pas avec trop de facilité la crainte de leur ombre ? les moyens utiles et nécessaires, les seuls, ne leur causaient-ils pas une aversion spontanée dont il faut tenir compte ? Ils devaient être aussi bien gênés par quelques-unes de leurs amitiés. Il n’est pas très facile de diriger le patriotisme français quand on est flanqué, à droite, de Reinach, à gauche, du traître Dreyfus.

Dès qu’un gouvernement ainsi formé règle plus ou moins honorablement quelque question nationale, il est placé dans l’alternative de deux malheurs : ou s’exposer, s’il persévère, à succomber à bref délai ; ou, pour ne pas périr, dépenser le crédit moral que lui vaut sa bonne attitude à commettre des infamies qui rassurent les pires éléments du « pays légal », du monde républicain orthodoxe. Il lui faut toujours rechercher la moyenne entre la trahison et le salut public : c’est là sa véritable Proportionnelle. Et cette proportion, cet équilibre aussi invraisemblable qu’introuvable qu’il lui faut concevoir entre la vie et la mort de la France, représente un état d’esprit plus dangereux que tous les maux qui en sont le signe ou l’effet. Cette maladie qui consiste à trouver sage de penser premièrement à nous arranger de toutes nos plaies ne cédera qu’à un remède radical. Les expédients héroïques, fussent-ils