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appendice iv

à prévoir, mais un autre cas doit être prévu aussi : le Grand Turc peut nous résister, et alors c’est la guerre ; une guerre engagée par la seule initiative gouvernementale et sans l’aveu du Parlement.

M. de Pressensé, qui choisit ses adverbes, écrit qu’un tel état de choses « viole effrontément la loi constitutionnelle ». Effrontément, ou non, on la viole, voilà le fait. On la viole, et on a l’habitude de la violer. C’est une habitude assez vieille. Elle a vingt-cinq ans : l’âge de la Constitution.

Depuis vingt-cinq ans, la loi constitutionnelle dispose que « la législature seule peut exercer le droit de guerre ou de paix. » Et cela est conforme à cette justice théologique, qui est, à vrai dire, l’âme d’une bonne république démocratique.

La Justice dit, en effet, que, si la guerre est faite par tout le monde, elle doit être aussi déclarée par tout le monde, ou du moins par les mandataires de tout le monde. Et la Justice veut que les soldats, avant d’être exposés au feu, soient aussi consultés au scrutin secret par leurs chefs. Et, peu importe, au point de vue de la Justice, qu’ils courent ainsi mille risques nouveaux de défaite et de mort. Fiat Justilia, disent les justiciers, ruat cælum ! Que la Justice soit, et que la France en crève !

Une république démocratique est le régime dans lequel la volonté de chaque citoyen jouit des prérogatives du souverain. Mais de toutes les prérogatives souveraines, le droit de paix ou de guerre est bien l’essentielle. C’est proprement un cas royal que le casus belli. Si nous sommes des rois, ce droit nous appartient. Tout au plus, si nos délégués immédiats, st les plus fraîchement élus peuvent l’exercer en notre lieu et place. Foin du président de la République, foin des ministres et du Sénat ! Républicainement, le seul pouvoir ici compétent, c’est la Chambre basse, et s’il était au monde une