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kiel et tanger

Et ces parlementaires en étaient fort impressionnés, car les intrigues de l’étranger redoublent d’influence et de portée politique en un pays où l’autorité nationale se dépense et se dissout dans le verbiage. On pouvait recueillir entre les tribunes et les couloirs du Palais-Bourbon des murmures intéressants, peut-être intéressés : « Nous en avons assez de ce ministre qu’on ne voit jamais, qui ne daigne pas parler, refuse de s’expliquer et pose au grand diplomate[1]. » Ainsi les « agents allemands » manœuvraient sans peine cette foule de malheureux bavards, effrayés du spectre guerrier. Des journées qui auraient pu être remplies par les travaux muets de la préparation militaire et par des négociations de sang-froid eurent leur centre dans les pas-perdus du Parlement et les antichambres des ministères. Tel était le dernier tribunal établi pour juger sur une grande affaire française ! Les duretés de l’événement proportionnèrent notre honte à l’absurdité de notre Constitution. Quand M. Delcassé eut succombé, la princesse de Bulow a pu dire : « Nous n’avons pas demandé sa tête, on nous l’a offerte ! »

Moins facile à couvrir que M. Delcassé, M. Hanotaux avait eu des prospérités plus courtes et était tombé de moins haut. Moins remuant, moins entouré, il a écrit pour sa défense un petit

  1. Il avait déclaré, à ses débuts, qu’il dirait tout, publiquement ou dans son cabinet (Éclair du 13 octobre 1905). Ç’avait été, dit M. Judet, sa première parole, son premier engagement.