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« humiliation sans précédent »

cassé avait dit, six ans auparavant, au commandant Cuignet : — Quand je parle, c’est la France qui parle. Malgré tout ce qu’il faut penser du système, du rôle et du personnage de ce ministre présomptueux, il demeure certain que, le jour de sa chute, la France est tombée avec lui. L’injure, commencée le 31 mars à Tanger, consommée à Paris le 6 juin, est la plus grande et la plus grave que ce peuple ait eu à souffrir. On sait le nom qu’elle gardera dans l’histoire. « Humiliation sans précédent », a dit un historiographe républicain, fonctionnaire républicain, rédacteur de plusieurs journaux de la République, et qui rendait ainsi un hommage complet à l’ensemble des régimes antérieurs[1]. Aucun d’eux n’avait vu cela : en pleine paix, sans coup férir, le renvoi d’un de nos ministres par une puissance étrangère !

  1. C’est M. André Tardieu, auteur du Bulletin de l’Étranger dans le Temps du 5 juin 1908, qui caractérisa de la sorte, trois années presque jour pour jour après l’événement, cette démission de M. Delcassé sur l’injonction de l’empereur Guillaume II. L’année suivante, le 20 juillet 1909, à la tribune de la Chambre, M. Clemenceau, président du Conseil, appela cet événement « la plus grande humiliation que nous ayons subie ». La Chambre semble avoir renversé M. Clemenceau dans le dépit et dans la rage que cette vérité, éclatante et sonore, lui aurait inspirée. En tout cas, ce mot vrai et dur n’y fut point étranger.