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« humiliation sans précédent »

en regard du triste pays qu’est devenue la France, se dressait, — sur un peuple beaucoup moins bien doué, sur un territoire beaucoup moins riche, moins fécond, nullement prédestiné à nourrir un corps de nation — se dressait un État dont le seul avantage était de reposer sur un principe juste développant des mœurs politiques saines.

Le même prince y règne depuis dix-sept ans. Le chef d’état-major que ce prince devait congédier en 1906 était en fonctions depuis plus de quinze ans et, depuis 1821, date de l’institution de l’état-major prussien, c’était seulement le sixième titulaire du poste[1], Ce qui environne ce prince est tout à l’avenant : robuste, ancien, remis à neuf de temps à autre. Un pareil ordre, ayant pour caractères la prévoyance et la tradition, pour base le passé et pour objectif l’avenir, peut compenser des infériorités et des lacunes dans le caractère de la nation. La méthode, la discipline, l’économie, suppléant aux dons spontanés, ont mis sur pied un mécanisme qui fonctionne vigoureusement, activé par les impulsions, souvent singulières, d’autres fois merveilleusement sagaces et claires, du souverain qu’on appelle chez lui avec un mélange de dérision, de stupeur et d’admiration, « l’Empereur français ».

Son projet avait été étudié avec soin. Il l’avait

  1. En Angleterre, M. de Chaudordy compte, de 1783 à 1895, c’est-à-dire en plus d’un siècle, trente-trois ministères ; il y en a eu trente-cinq en France de 1870 à 1895.