Oui, trois ans et sept mois après le coup de Tanger, trois ans et quatre mois après la démission obligatoire de M. Delcassé, espace de temps prodigué en stériles luttes intérieures, la République française ne s’était pas encore « assurée militairement ». Par cette incurie du régime qui avait conservé la direction politique et diplomatique de la patrie, sans être en état d’y suffire, nous avons fait un pas de plus dans le sens de l’abandon de notre héritage matériel et moral en Orient.
Cette alerte nouvelle ainsi passée, ainsi payée, pouvait avertir encore : tout présageait qu’après 1908, comme après 1905, le coup triplicien se répéterait. Mais tout montrait aussi que l’on serait de moins en moins « assuré » pour y faire face. Le seul effet de pareils avertissements était au fond de témoigner qu’ils étaient inutiles ; d’établir qu’il n’y a rien à attendre d’aucune épreuve et que la République est le système où rien ne peut servir à rien, hormis à démontrer avec une clarté croissante, qu’il n’est bon à rien en effet, puisqu’il est incapable de rien comprendre (ou même de rien sentir) aux expériences cruelles dont il est le champ.
Notre flotte continua donc de brûler paisiblement, et nos ministres de la guerre ne s’inquiétèrent point davantage de laisser les casernes vides d’hommes ou les arsenaux démunis. En juillet 1909, le général Langlois signalait au ministre Picquart l’insuffisance de nos munitions. Il