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kiel et tanger

tout à la simplicité de l’électeur et de ceux des élus qui sentent comme lui. Ce grand et gros pays, ce vaste morceau du planisphère qui s’étend, uni et continu, de Cronstadt et d’Odessa jusqu’à Port-Arthur et Vladivostok, cette masse devait frapper l’imagination populacière d’un semblable gouvernement. Une République démocratique, étant fondée constitutionnellement sur le nombre, doit croire au nombre en toute chose : habitants, lieues carrées, devaient impressionner et tranquiliser des républicains. Les monarchies et les aristocraties connaissent que le monde appartient à la force, donc à la qualité. Mais une foule croit aux foules comme le stupide Xerxès. Nos mandataires de la foule se figuraient, de plus, qu’un géant est toujours robuste, un puissant toujours semblable à lui-même. On ne calculait ni la faiblesse intérieure ni l’affaiblissement momentané. Le colosse, étant là, ne pouvait jouir que d’une vigueur constante et d’une durée éternelle. On en parlait comme d’un dieu. M. Loubet et M. Delcassé n’avaient aucune peine à se persuader que le « poids russe » à l’orient de l’Europe fournirait l’invariable équilibre de leurs petites extravagances en occident.

Parce qu’ils se reposaient sur le grand allié et qu’ils s’en remettaient à lui du soin de tout faire rentrer dans l’ordre quand cela serait nécessaire, le ministre et le président avaient pu s’amuser comme de petites folles. Sans rien forcer, j’emploie ce langage qu’ils ont permis, avec un sou-