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kiel et tanger

non plus la plus fausse, et, en dépit d’un certain ridicule triste, il n’est pas possible de la négliger tout à fait, quoi qu’on veuille. On y mit de la vanité. Il faut tenir compte de ce facteur, qui agita deux grands personnages à la fois. Vanité de M. Delcassé. Vanité de M. Loubet.

Son prédécesseur Félix Faure, aimant trancher du gentilhomme, avait pris des allures de haute vie auxquelles M. Émile Loubet put se sentir, dès son début, remarquablement inégal. Le nouveau président ne s’en disait pas moins tout bas que, au fond, de Faure ou de lui, le vrai patricien, ce n’était pas Félix Faure. N’ayant jamais été ouvrier tanneur en peinture ni en figure, mais bien docteur en droit, fils, petit-fils de propriétaires campagnards, il se rendait l’exacte justice de se trouver socialement le plus haut placé. Il s’estima tenu, par respect de soi-même et culte des ancêtres, à le faire voir. Son arrivée à l’Élysée fut bien marquée par quelques mesures somptuaires, qui firent commencer par réduire le train de maison présidentiel : une moitié des chevaux et des gens fut remerciée. « Oui, mais », annonça-t-on, « nous en aurons le double l’année prochaine. » L’année prochaine était l’année de la visite des rois, qui justement ne vinrent pas à l’Exposition. M. Loubet se jura de les faire venir dans les années suivantes ; cet avènement peu joyeux ayant imposé de petits sacrifices à l’esprit jaloux de la démocratie révolutionnaire, il espérait les rattraper.

C’est à quoi il tendit toujours.