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démocratique ; faute d’un chef suprême, stable et puissant, le gouvernement y est divisé et segmenté à perte de vue, pour le plus grand bonheur des chefs de service et le pire malheur des services eux-mêmes. Deux ministres y sont égaux sous un chef qui n’est pas un maître. Deux ministères sont deux maisons qui s’ignorent l’une l’autre. Ces rivales jalouses ne se pénètrent pas et refusent de se rien céder l’une à l’autre. On correspond, on traite, mais c’est entre puissances étrangères, lointaines, et l’on n’agit pas de concert ni sous une même impulsion. Il en était ainsi en 1896. Il en est ainsi aujourd’hui. Les ministres modérés trouvèrent cet état de choses incoordonné et, loin de le modifier, n’y furent même pas sensibles.

La fortune voulut que cette secrète ataxie n’apparût point aussi longtemps que le système « Pétersbourg-Berlin contre Londres » fut en vigueur et que les ministres modérés furent en fonctions. Mais, trois mois après leur départ, au jour précis de l’échéance du principal effet tiré par M. Hanotaux sur notre avenir national, c’est-à-dire en septembre 1898, on découvrit subitement que tout avait été agencé par nos mains en vue d’une rencontre possible avec l’Angleterre sans qu’on eût pris aucune des précautions navales qu’impliquait une telle éventualité… Un rapport de l’amiral Fournier déclara textuellement : « Nous ne sommes pas prêts… » La « forme républicaine », qui avait permis ce cas d’imprévoyance et de distraction monstrueuses