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de la Chambre avec qui il avait des relations aussi anciennes que courtoises, des hommes ayant fondé la République avec lui ou qui, s’y étant ralliés dès la première heure, s’en montraient les plus fermes mainteneurs et soutiens : quelles mesures pouvait-on se permettre contre eux[1] ? Sans doute, le salut de l’État exigeait ces mesures. Mais, outre que le salut du parti républicain ne les exigeait peut-être pas, le président du Gonseil ne disposait d’aucun pouvoir légal l’autorisant à ces mesures de salut.

Nul arbitraire intelligent et responsable ne veillait : nous n’avions ni une institution ni un organe politique qui fût chargé en général de cette surveillance essentielle. Les morceaux fonctionnaient, mais aucune pièce centrale. Le lucide Anatole France vit donc se vérifier la mémorable sentence : « Nous n’avons pas d’État, nous n’avons que des administrations. » Les administrations se montrent implacables quand elles ont affaire à des individus isolés ou à des groupes de vaincus (catholiques, conservateurs), mais elles sont bien obligées de montrer une insigne mollesse quand elles trouvent devant elles des compagnies puissantes ou des individus solidaires comme nos juifs, nos protestants, nos métèques et nos francs-maçons.

  1. « S’il existait des lois qui me fussent applicables… » disait un peu plus tard, au procès de Rennes, M. Trarieux dans un beau mouvement contre un homme de peu, qui s’était permis de l’accuser de faux témoignage.