Page:Maurras - Kiel et Tanger - 1914.djvu/128

Cette page n’a pas encore été corrigée
6
kiel et tanger

dès cette époque, ce projet. C’était l’heure, c’était l’instant : il fallait se garder de les laisser passer. On pouvait encore assurer à l’État conservateur le moyen de durer et la force de s’ordonner. Les modérés avaient le choix : réaliser, ou s’exposer à de cruelles aventures sur la face mobile du régime électif et des gouvernements d’opinion.

Ils choisirent le risque. On ne fit pas un roi. Il ne sortit qu’un ministère de ce puissant effort d’imagination. Ce fut, il est vrai, le ministère modèle : ministère homogène, ministère sans radicaux, animé, disait-on, d’un esprit unique, incapable de tiraillement et de dissension. Les dix-huit premiers mois de ce ministère Méline ont d’ailleurs mérité d’être appelés la fleur de la présidence de M. Faure.

On y verra aussi la fleur ou plutôt la semence des périls qui depuis ont serré le pays de si près !

Mais les contemporains affichaient une magnifique assurance. Oui, bien des ruines étaient faites ; les sujets d’inquiétude étaient nombreux : on ne s’aveuglait pas sur les éléments qui se coalisaient contre la société et contre la France ; mais, comme aucune agitation n’annonçait encore une catastrophe prochaine, on tirait gloire et gloriole de toutes les apparences contraires ; satisfait des dehors, ébloui des effets, on traitait d’importun qui s’occupait des causes. Ainsi, pouvait-on prendre pour la paix sociale de fuyantes clartés de concorde civile. On avait une armée, on croyait