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ANTHINEA

verres jaloux qui dénaturaient ce brillant solide, fin et pur qui révèle le marbre attique, la théorie des dieux, des vieillards, des jeunes filles, des jeunes hommes caracolant sur de fiers chevaux, ne s’est donc pas trop dérobée. Quelquefois le fini du trait et le velouté de la forme, ce qui fait comme le printemps d’une œuvre de sculpture, est resté tout à fait sensible. Où le contour s’efface un peu, où les lignes usées et écornées perdent leur nette certitude, comme à l’endroit où le grand prêtre plie le voile de la déesse, tant de noblesse reste attaché, malgré tout, au mouvement de la silhouette devenue vague, que l’enthousiasme n’arrête pas.

Le choix est difficile. Un instant ma préférence crut se fixer sur les épisodes de la pieuse cavalcade, variés jusqu’à l’infini, mais dont chaque motif est simple. Là, un éphèbe gonfle un beau buste sans tête, d’un mouvement presque fiévreux, que modère une grâce fine. Mais quelques pas plus loin, un cavalier d’à peu près le même âge, sur un beau cheval bondissant, que ses voisins serrent de près, se retourne contre eux, le bras levé, le poil au vent, les lèvres et les narines gonflées et frémissantes, juvénile expression de l’orgueil menaçant. Qui ne voudrait graver au plus profond de sa mémoire un geste pareil ? Et qui ne voudrait vivre ce beau geste éternellement ?… Mais on erre, tout partagé, de l’une à l’autre de