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ANTHINEA

que celle d’un faune, se tend ; le nez respire ; l’œil pointe ; l’air du visage et l’inflexion de la tête entière semblent sonder, mesurer, calculer et évaluer, d’un juste et précis instrument ; enfin les lèvres, qui en disent le plus long, ces lèvres étant extrêmement rapprochées, la supérieure en retrait, et l’inférieure avancée tout au contraire, les lèvres goûtent et savourent. N’en doutons plus, nous assistons à un effort de sensibilité et d’intelligence critiques. Un politique ou un athlète qui préparent quelque mouvement effectif, un sage argumentant, un amoureux supputant les risques de son malheur montreraient moins de calme, un recueillement moins parfait. L’objet du sentiment montré ici passe nos communs intérêts. Ou je me trompe fort, ou le sérieux éphèbe se sent supérieur. Il juge la terre et le ciel.

De là vient peut-être la curiosité qu’il me donne. Mais il retient par d’autres caractères moins incertains. Ce chef-d’œuvre de l’archaïsme athénien a de merveilleux analogues dans l’histoire de l’art. Outre certaines têtes florentines du temps de Giotto, celles-là même dont notre imagination remplit sans le vouloir les cantiques de Dante, il rappelle plus d’une tête du moyen âge français. Quand je l’examinai pour la première fois, j’ai soudain tressailli de la joie inquiète qui devait me venir, le soir du même jour, lorsque les vénérables murailles franques de Daphni, filles des