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ANTHINEA

homériques. Ajoutons, s’il le faut, que le premier noyau des sujets d’Homère se place au moment de la grande prospérité mycénienne. Toutes ces vues, plus ou moins incertaines, portent sur les matériaux dont le poète s’est servi. Mais elles ne fournissent pas la moindre clarté sur l’art et sur la poésie.

L’art d’Homère veut qu’on l’étudie en lui-même. Il importe peu que les sujets de ses descriptions ressemblent aux objets déterrés ici ou là-bas. Il ne s’agit point de savoir comment s’adaptait timon au char, ni les courroies au brodequin, mais bien de quelle sorte, dans les récits d’Homère, se constitue le plan homérique, comment s’y fait jour un beau sentiment et quelle est donc, en soi, la beauté unique d’Homère. C’est seulement à regarder ces derniers points qu’on s’aperçoit qu’il faut vénérer, dans ces vieux poèmes, le premier titre du genre humain à l’humanité.

Les personnes entichées de l’esprit évolutionniste et d’une espèce de mystagogie que l’on n’a pas encore nommée, sont prises d’une véritable angoisse de l’âme à l’idée d’un Homère restauré et glorifié. « Homère barbare » est sacré[1]. Elles cherchent comment une époque aussi arriérée dans l’art industriel a bien pu nous donner un modèle d’art poétique, car il leur semble que le monde va toujours à pas réguliers comme un gros

  1. M. Anatole France fut le premier à rire de ce dogme.