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ANTHINEA

V

… Quand, au plus haut de l’escalier, je rouvris les yeux, la première colonne des Propylées se tenait debout devant moi : toute dorée, mais toute blanche, jeune corps enroulé d’une étoffe si transparente qu’on n’en saisit point la couleur, la chair vive y faisant elle-même de la lumière.

Elle montait des solides dalles de marbre, ferme sur sa racine élargie à la base. Dans toute la longueur, comme des ruisseaux d’un feu sombre, les cannelures symétriques s’enfuyaient dans le libre élément aérien où brillait un sommet misérable et meurtri. Il fallut peu de temps pour prendre connaissance de la silhouette souffrante et souffrir avec elle, avec tout le sage univers, de tant de coups barbares qui l’ont décapitée. Son svelte chapiteau et le fardeau que porta cette belle tête gisaient ensemble sur le sol et leurs débris, comme le seuil de quelque cimetière supérieur, manquèrent me tirer des larmes. Si j’avoue n’en avoir versé aucune, oserai-je écrire ce qui suivit ? Pourquoi non, si j’osai le faire ? Sur cette colonne, aperçue la première du chœur des jeunes Propylées, j’entourai de mes bras l’espace, autant que je pus en tenir, et, inclinant la tête, non sans