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anthinéa

accomplir en silence son ouvrage au dedans de moi. Je la priais d’agir, de me modifier, en m’abandonnant à ses soins. Tantôt à l’un des carrefours où se trouve quelque monument de la ville antique, tantôt dans l’ombre fraîche des corridors du grand musée, il me suffisait de poser n’importe où le regard. Je laissais les petits éléments athéniens affluer et me pénétrer comme on ouvre l’accès de son âme, en un soir d’été, aux forces du ciel plein d’étoiles. Plus que toute méditation, cette torpeur contemplative m’inspirait le sens et la divination de la ville : incrusté et comme pétrifié en elle, il me semblait que la vie des marbres sublimes m’animait peu à peu. Les longues heures ainsi passées m’ont fait comprendre qu’on puisse aimer comme une créature de chair la matière duPentélique et crier : la voilà, et sentir son cœur battre, partout où brille une parcelle de la belle pierre dorée.

Telles étaient les pauses. L’âme y est contente de soi. Mais dans les exaltations qui suivaient, rien ne m’était pénible comme l’absence de tout esprit familier capable d’en prendre sa part. Le mien était tendu jusqu’à la congestion et des sentiments en naissaient qui déterminaient une sorte d’érosion presque douloureuse et, s’il faut le dire, d’égarement.