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anthinéa

pareil. Dussé-je être montré au doigt de tous les modernes comme un écrivain dépourvu d’imagination et pauvrement ébloui des choses réelles, j’écris cet aveu sans pudeur.

Durant un mois, j’ai su ce que c’est que la grâce, j’ai su ce que c’est que la force et j’ai connu par un toucher sensuel et physique ce que c’est que l’essence claire de leur accord. Le jour se consumait avec avidité, je le voyais tomber avec une ardente tristesse. Il ne me semblait pas que j’eusse interrogé assez de places solennelles ni exercé suffisamment les puissances de curiosité et de réflexion. N’en croyez pas des notes de voyage écrites sur les lieux et expédiées par la poste. Tout cela, c’était mon métier ; ma vie, nullement. Un certain vendredi que je ne saurais me rappeler sans éclats de rire, j’écrivais à Paris que je partirais dès le lendemain :

— Je prends le bateau du Pirée pour Itéa, l’escale de Delphes. D’Itéa, je gravirai à dos de mulet vers les monuments d’Apollon, et quelque embarcation à vapeur ou à voile permettra de gagner Patras. Je verrai ensuite Olympie, puis Corinthe, et Argos, d’où je reviendrai dire adieu à Athènes…

Tout était préparé pour la course en Phocide, et autour du Péloponèse. Mais, au dernier moment, le cœur me manqua et les charmes athéniens furent les plus forts. Je défis ma valise, ne pouvant me résoudre à quitter la face d’Athènes.