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anthinéa

phète, mio duca, mio dottore, m’a prévenu depuis longtemps de la malice de ces climats. Ulysse en souffrit avant nous. Aussi ce grand homme n-t-ii appelé l’endroit « une mer si difficile et si dangereuse que les meilleurs et les plus forts navires, accompagnés du vent le plus favorable, ne la passent qu’avec beaucoup de danger. » Pour les Anciens, la mer ionienne ne cédait en furie qu’à l’adriatique elle-même. Je vois qu’ils ne se trompaient guère. L’équipage m’assure que, pour le lieu et la saison, il fait délicieux. Pourtant le paquebot bondit comme un chevreau, sur l’onde. Je n’en suis que plus aise de me voir le cœur si dispos. Mais les trois quarts des passagers n’ont pas dîné. Les paysages pâlissent. La mer a la couleur du plomb. Le ciel est gris. Toutes les étoiles se cachent. Or, nous ne sommes peut-être pas à cinq heures de la presqu’île de Pélops.

Beaucoup de choses s’accomplissent pendant la nuit. C’est encore une vieille et sage maxime que je tire d’Homère. Nous avons fait, pendant la nuit, le tour entier du Péloponèse. On en voit maintenant les dernières montagnes. Aux nuages a succédé une lumière claire et douce. Mes chers amis de France, si vous saviez combien tout cela nous est fraternel !