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anthinéa

parfumé de parfums délicieux retentit des cris de joie, on y entend un bruit harmonieux, et, la nuit, les maris vont coucher près de leurs femmes sur des lits et sur des tapis magnifiques. » Emus de pitié sur Ulysse, les heureux furent bienveillants. Ils le retinrent dans les fêtes et les plaisirs pendant un mois entier et, pour avancer son retour, lui livrèrent les vents de la mer enchaînés dans une outre de peau de bœuf.

Mais lorsque, par son imprudence et le pauvre esprit de ses compagnons, Ulysse leur revint, fouetté de nouvelles tempêtes, éprouvé de nouveaux revers, Éole n’eut que de l’horreur, — Va t’en », s’écria-t-il, « du plus loin qu’il l’eût aperçu, fuis au plus vite de cette île, ô le plus méchant de tous les mortels. Une m’est pas permis ni de recevoir ni d’abriter un homme que les dieux immortels ont déclaré leur ennemi. Va, fuis, puisque tu viens dans mon palais, chargé de leur haine et de leur colère. » Ulysse, qui trouvait Éole inhumain, ne l’accusa pas d’injustice. Le plus sage et le plus patient des hommes savait qu’il convient de ne pas être trop malheureux. C’est une espèce de devoir. Qui se sent trahi par les dieux et rejeté de la fortune n’a qu’à disparaître du monde auquel il ne s’adapte plus. Sans doute Ulysse persista et le héros supérieur aux circonstances par la sagesse éleva son triomphe sur l’inimitié du destin.