Page:Maurras – anthinea.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
5
anthinéa

de tout soin temporel. On n’a qu’à faire son salut, c’est-à-dire, je l’imagine, à bien voir le paysage, en concevant à ce propos les plus belles idées.

J’ai pour cellule la terrasse supérieure du bateau, qu’on appelle, je crois, en terme de marine, la seconde passerelle. Le commandant a bien voulu me la concéder. C’est un lieu interdit, pour l’ordinaire, aux passagers ; le personnel du paquebot y monte rarement pour la besogne du service. De cette solitude se découvre d’abord tout ce qui paraît sur la mer. On voit changer le temps, fumer la cheminée ou blanchir l’extrême voilure des vaisseaux éloignés. Ce que j’aime le mieux, c’est le cercle parfait de l’eau, lorsque le ciel est pur et la mer sans aucun rivage.

Rien de moins monotone, cet azur ne cesse de varier. Avant-hier c’était un bleu dur, éclatant, presque comparable à l’azur profond d’une pierre bleue ; hier, en vue de la Sicile, tout s’était attendri, subtilisé, évaporé. L’eau semblait du nuage ; le nuage de la clarté, et, cette clarté même mourant de sa propre splendeur, les vagues et les côtes perdaient leur relief, semblaient peintes ou dessinées, mais en lignes de Teu, et ces lignes, il est vrai, d’une simplicité et d’une élégance suprêmes.

On dit qu’une mer sans rivage est un reflet de l’infini. Je comprends de moins en moins la comparaison. En vérité, rien n’est plus fini que la