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VI
préface

J’ai visité le peuple hellène moins d’une année avant ses malheurs militaires en Thessalie et en Épire. Il traversait un beau moment d’allégresse patriotique ; j’en ai admiré la verve et la bonne foi. La suite m’a montré que ces vertus précieuses ne suffisent pas à un peuple. Mais la fausse confiance qu’elles inspirent est en outre un fléau public. L’Hétairia des pays grecs, cette brillante Association amicale, qui voulait le bien et qui fit le mal, m’a conseillé une partie de la crainte que je ressens à l’égard de nos bonnes Ligues démocrates et patriotes. Animées d’intentions parfaites, elles menacent d’aggraver nos confusions. La politique du roi Georges donna la Crète à l’hellénisme ; mais la fièvre de ses sujets ne leur valut que désordre et déchirement. Ces résultats sont les grands juges de la politique.

Mon ami Maurice Barrès s’est publiquement étonné que j’eusse rapporté d’Attique une haine aussi vive de la démocratie. Si la France moderne ne m’avait persuadé de ce sentiment, je l’aurais reçu de l’Athènes antique. La brève destinée de ce que l’on appelle la démocratie dans l’antiquité[1] m’a ait sentir que le propre de ce régime n’est que de consommer ce que les périodes d’aristocratie ont produit. La production, l’action demandait un ordre puissant. La consommation est moins exigeante : ni le tumulte, ni la routine ne l’entrave beaucoup.

  1. Voir la note ii à la fin du livre.