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ANTHINEA

— Avais-je donc vu sa patrie ? Étais-je passé à Cargèse avant de venir à Athènes ? Ou, quand notre vaisseau avait longé la belle Cyrnos, quelque compagnon de voyage m’avait-il indiqué une tache brillante au nord du golfe de Sagone en prononçant le nom que tous les Cargésiens ont gravé au fond de leur cœur ?

Il fallut avouer que je n’avais point visité ni de loin salué Cargèse. J’eusse même ignoré son nom charmant, faute de m’être arrêté en Corse ; seulement, bien heureusement, un de mes amis de Provence, qui avait tenu garnison à Ajaccio, ayant dit ce nom devant moi, l’avait entouré de détails que je n’avais pu oublier.

III

Je répétais ce que je savais.

Le militaire dont je repassais les souvenirs avait vu Cargèse un jour d’élection. Ces jours sont terribles en Corse, l’électeur étant dépourvu de scepticisme. Il traite la chose publique comme les affaires d’amour ou les querelles de famille qui lui brûlent le sang. Du reste, ses plus vifs intérêts sont en jeu, les plus personnels et les plus secrets. Il ne peut voter sans tumulte. A défaut du chant de la poudre, les cris de mort