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féodalité… Force et pouvoir… hors de là désordre… comprenez-vous ?

— Oui, dit Philippe, c’est ingénieux : mais Napoléon renverse votre système. Avec lui, l’armée nationale ne sert qu’à soutenir un tyran.

Le vieux lion pencha son mufle plus bas encore sur son épaule et regarda Philippe avec malice.

— D’abord, dit-il, l’armée de Napoléon était une armée de métier… ensuite Napoléon n’était pas un tyran.

— Certes non, dit Bertrand d’Ouville : il croyait aussi peu à son droit divin qu’à celui des peuples. C’était sa force. Jamais homme n’a vu plus clairement les choses comme elles sont, sans les déformer pour satisfaire ses désirs ou ses préjugés. Après l’échec du camp de Boulogne, sans perdre une minute à se lamenter sur tant d’efforts perdus, il prépare Austerlitz… Et pendant la campagne d’Italie, dès la première neige : « Allons, dit-il,