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Cependant Bertrand d’Ouville était allé s’asseoir près du fauteuil de Mademoiselle.

— Laissons ces jeunes gens parler d’eux-mêmes à l’abri des grands hommes, dit-il : que pensez-vous de mon petit ingénieur ?

— Il est joli, comme un jeune prêtre romantique : je le crois intelligent.

— Il n’est pas sot mais les formules lui masquent la vie ; il se bâtit un univers de petits systèmes rigides et voudrait que la nature se soumît aux lois de M. Viniès. Il a une théorie sur la Pologne, une sur l’amour, une sur le mariage, une sur le suffrage, une sur la communauté des biens, et pour chacune d’elles, il se dit prêt à prendre un fusil.

— J’aime assez cela : les hommes tournent toujours au fade assez tôt, dit Mademoiselle de sa voix flûtée et tranchante.

— Certes, dit Bertrand d’Ouville, s’il y a quelque chose au monde de plus ridicule qu’un radical en cheveux blancs, c’est un