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une rose cueillie à Sainte-Hélène, des vieillards épiques évoquent leurs campagnes ; Clotilde, sur un coussin brode le Retour des Cendres ; j’écoute, je rêve, je compare le règne des bourgeois à l’empire des braves, et moi qui hais la guerre et les soldats, moi qui crois à la République universelle des peuples, je trouve quelque plaisir à entendre parler d’actions et d’affaires qui étaient des coups de sabre et non des coups de bourse.

Pour des républicains avoués, je ne crois pas, hélas, qu’il y en ait ici. Les jeunes gens qui mangent avec moi chez Pitollet sont des clercs de notaire, élevés à Paris, assez libéraux, mais fort occupés de gaudrioles et de calembours et vraiment trop gais pour être vertueux. Les professeurs du collège sont des commerçants comme les autres qui vendent trente ans leur rhétorique, puis se retirent des affaires et meurent en bourgeois. Quant aux ouvriers je fais ce que je puis pour me rapprocher d’eux, mais