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se promenaient admirant les pavés déchaussés et les pierres d’angle éraflées par la fusillade de la nuit. Il y avait des barricades un peu partout et les véhicules ne circulaient pas. Cela mettait dans les rues un silence sur lequel les cris et les chants se détachaient avec une netteté qui étonnait.

Des bandes de gamins passaient avec des drapeaux tricolores, chantant la Marseillaise et « Mourir pour la Patrie ». Philippe vit aussi un drapeau rouge, suivi d’ouvriers des faubourgs.

La foule était calme et satisfaite : elle avait si souvent crié « À bas Louis-Philippe » qu’elle attendait vaguement de sa chute un bonheur idyllique et confus. La plupart de ces passants étaient des spectateurs, prêts à accepter les événements quels qu’ils fussent sans jamais revendiquer leur droit égal de les faire.

Devant le magasin du confiseur Boissier, une troupe se formait en colonne par quatre.