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— Geneviève m’a raconté votre conversation d’hier, dit enfin Philippe… C’est pour moi un coup terrible qui anéantit tout mon être. Je ne comprends pas ; je t’avais placé si haut, je t’aurais tout confié. Si tu m’as trahi, je désespère des hommes, mais je ne veux pas te condamner sans t’entendre.

— Ce que ta femme t’a dit est certainement exact, Philippe. Et cela est aussi affreux pour moi que pour toi. Je ne puis rien t’expliquer parce que tu ne peux comprendre. Tu es un esprit, tu n’as pas de corps. Tu vis de lait et de miel, tu bâtis des Icaries et tu prétends réformer les hommes : tu ne les connais pas. Ta femme est jolie à tenter un saint ; tu me la fais promener par un printemps divin.

Moi, mon cher, j’ai un corps… Oui, je sais, je te dégoûte : crois-tu que je ne me dégoûte pas moi-même ? Je sais : j’ai abusé de ta confiance, je suis un misérable. Mais tout de même ne me méprise pas trop. Après