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— Les hasards de la vie, dit-il, font que nous appartenons au même parti : mais les partis sont des groupes artificiels. Il y a en réalité deux sortes d’esprits : des esprits aristocratiques et des esprits sentimentaux… La condition dans laquelle les Dieux les ont fait naître importe peu : un mendiant peut avoir l’esprit aristocratique et je sais plus d’un banquier qui pense en esclave sentimental. Mais rien ne peut réconcilier ces deux types. Et quand un esprit maître s’avise de jouer à l’esclave, il lui en cuit, comme il advint à ce grand Chamfort que ses amis politiques torturèrent si bien. Il en tira trop tard cette leçon : que les sots ont dans le monde un grand avantage, c’est qu’ils s’y trouvent partout parmi leurs pairs.

Il la regarda hardiment.

— Vous, par exemple, continua-t-il, vous êtes une aristocrate, que vous le vouliez ou non…

Elle ne répondit pas. Le mendiant achevait