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chasses et voyages au congo

constituent tout le gain de sa journée de travail, car une carotte de manioc ou un régime de bananes ne se paie pas bien cher au Congo. Enfin le blanc paraît et après avoir contrôlé et payé à la ronde le « pocho » que la population a bien voulu apporter, la distribution commence, et chaque homme reçoit la portion qui lui est attribuée, de la façon la plus équitable possible, des provisions hétéroclites apportées, et en plus une cuillerée de sel, dont nous avons prudemment emporté un sac avec nous.

Pendant que se déroule devant nous pour la première fois cette scène qui nous charme par sa nouveauté, mais qui en se renouvelant chaque jour deviendra fastidieuse à la longue et parfois même pénible, quand après de grandes fatigues en rentrant le soir au camp, au lieu de pouvoir aller jouir sous sa tente d’un repos bien mérité, il faudra encore se soumettre à toutes les exigences du « pocho ». Car il ne faut pas croire que celui-ci se passe en douceur ; il est généralement accompagné des cris et des vociférations de tous genres habituels à une réunion de sauvages et bien souvent les contestations qui s’élèvent se terminent par de véritables pugilats dans lesquels il faut intervenir, en séparant les combattants et en les mettant d’accord en les faisant gifler tous les deux. Ce soir pourtant la paix règne dans le camp, et tandis que j’admire la coiffure des hommes de la région qui sont venus se promener aux abords de nos tentes, et qui me rappelle celle des femmes abyssines aux petites nattes tressées et collées contre la tête, et que je rêve à la plaque qu’ils se sont passés à travers le lobe de l’oreille en guise de bijou et qui n’est autre que le numéro d’ordre de leur bulletin d’impôt payé, j’entends dans la paix du crépuscule qui tombe, siffler un merle et chanter les grillons, et j’oublie tout à coup que je suis au centre de l’Afrique et pense être « chez nous ».


10 décembre.

Au réveil on vient me chercher parce qu’une antilope