on se dérouler derrière nous, tel un serpent, le long ruban de notre caravane : la file de nos hommes qui s’interrompt de place en place fait penser à un ver de terre coupé en morceaux, dont les parties sectionnées se tordent dans la poussière après la pluie. Les charges ont beau avoir été longuement soupesées et équilibrées avant le départ, il y en a pourtant de plus lourdes les unes que les autres, et surtout il y a des porteurs plus fainéants les uns que les autres, et au long du chemin ce sont ceux-là qui se laissent devancer par leurs camarades et arrivent toujours les derniers à l’étape. Au fond ce système de portage à dos d’homme qui est d’usage au Congo a beaucoup d’inconvénients, et je préfère de beaucoup celui à dos de mulet en honneur en Abyssinie. Outre que c’est un métier tuant et en quelque sorte une corvée qu’on impose à l’indigène, on ne peut exiger de celui-ci la même endurance que celle d’une bête de somme, et fatalement la distance qu’on franchit d’une étape à l’autre s’en ressent. D’ailleurs on cherche peu à peu à supprimer le portage au Congo, et bientôt ce ne sera plus que dans les coins les plus reculés que l’on y aura recours, car déjà là où il y a des routes et où le trafic peut se faire par camions-automobiles, il est interdit de recourir à la traction humaine et nul administrateur ne vous fournira plus de porteurs si vous lui en demandez. Le seul avantage est que le matin au départ la levée des bagages est un peu plus rapide, les hommes, étant pourtant un peu plus intelligents que les mulets, viennent eux-mêmes prendre leurs charges, tandis qu’une heure est vite passée avant d’avoir remis leur collier aux quadrupèdes qu’il faut commencer par rattraper alors qu’ils gambadent généralement aux environs. Il est vrai de dire que les mulets ne désertent pas, alors que ce matin même deux de nos porteurs manquaient à l’appel au moment du départ…
Quoi qu’il en soit, le système encore en vigueur pour le moment dans la région que nous visitons est typique et fait