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chasses et voyages au congo

se retourna avec toute sa charge, entraînant les hommes avec lui, et le malheur voulut que lorsqu’on retira ceux-ci, deux d’entre eux avaient cessé de vivre. Aussitôt grande rumeur dans l’endroit, et toute la population prenant fait et cause pour les travailleurs immergés, se rua vers la demeure du fermier, où entre temps le capitaine du bateau s’était réfugié, et proférant des menaces de mort, demanda qu’on lui livrât en échange des deux morts la tête de ceux qui avaient ordonné le travail. On put heureusement calmer ces forcenés qui parlaient de mettre le feu à l’établissement et ne prétendaient pas rendre la liberté à leurs victimes assiégées et gardées prisonnières dans leur propre maison. Ils consentirent pourtant à attendre l’arrivée de l’administrateur, persuadés dans leur naïve ignorance qu’on leur donnerait raison.

Aussi furent-ils un peu désabusés quand le jugement survint. Entourés par les soldats, fusils chargés à l’épaule, on amena les coupables, et après un interrogatoire ne laissant aucun doute sur la participation qu’ils avaient prise dans la rébellion, l’officier de police asséna à chacun d’eux le nombre de coups de chicote réglementaire, puis les attachant les uns aux autres par une corde passée autour du cou, on les emmena en prison, ou pour mieux dire aux travaux forcés. Nous devions les retrouver quelques jours plus tard sur la route, en corvée de portage, mais n’ayant rien perdu de leur arrogance, ni de leur mine de brigands.

Car cette race des Ubembe est une des plus mauvaises du Congo, n’étant pas pure, mais un ramassis de métis où le sang arabe a déformé la population primitive.

Il ne m’appartient pas de discuter ici des bienfaits ou des méfaits de la chicote, thème qui passionne en ce moment les neuf dixièmes des colons d’un bout à l’autre du Congo, et l’on ne peut juger de la question avec une mentalité européenne, mais il faut se mettre à la place de ceux qui sont journellement en contact avec une population primitive et souvent insoumise. Et de même qu’un bon père