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chasses et voyages au congo

carrés coupés régulièrement par des avenues plantées d’arbres et bordées de maisonnettes presque toutes semblables. Pour trouver l’arbre que nous sommes venus chercher, il faut de l’autre côté du village redescendre vers le lac, et tout à coup à un endroit assez abandonné, et où les herbes ont peu à peu envahi le terrain on arrive au manguier historique, dont hélas ! il ne reste plus grand’chose, car peu à peu la mort l’a rongé, et il ne lui pousse plus que quelques branches décharnées. À son pied, un bloc de pierre rappelle la date de la rencontre des deux explorateurs :


Livingstone
Stanley
1871

C’est tout, et l’on songe avec une certaine mélancolie à l’oubli qui si vite couvre les gloires passées. De retour à Kigoma j’ai voulu relire ce que Stanley lui-même a écrit de sa rencontre avec Livingstone, et je crois ne pouvoir mieux faire que de copier en traduisant le passage de son livre : « How I found Livingstone ». — Prévenu de la présence de Livingstone à Ujiji, Stanley vient d’y arriver : « Mon cœur battait à se rompre. Que n’aurais-je donné pour avoir un petit coin de désert où, sans être vu, j’aurais pu me livrer à quelque folie, me mordre les mains, faire une culbute, fouetter les autres, enfin donner libre cours à la joie qui m’étreignait… Mais je ne laissais pas mon visage trahir mon émotion, de peur de nuire à la dignité de ma race.

J’écartai la foule, et me dirigeai entre deux haies de curieux vers le demi-cercle d’Arabes devant lequel se tenait un homme à barbe grise. Tandis que j’avançais lentement, je remarquai sa pâleur et son air de fatigue… Il avait un pantalon gris, une vieille veste rouge et un casque. Je m’approchai d’un pas délibéré, je dis, en ôtant mon chapeau : « Le Docteur Livingstone, je présume ? »