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chasses et voyages au congo

mœurs s’étaient-elles adoucies au contact des nègres, ou bien devinaient-ils qu’en Afrique tout au moins, ce ne serait pas eux qui écriraient l’histoire ?

Une anecdote curieuse et peu connue je crois, illustre le tour pittoresque et l’allure de guerre d’Indiens, que prenait parfois la campagne africaine belgo-allemande.

À Berlin, après l’armistice, l’ancien officier d’ordonnance du général Tombeur et un officier allemand se faisaient vis-à-vis à la table de l’une des nombreuses commissions qui siégeaient à cette époque. La conversation s’engagea et prit un tour moins guindé dès que les deux interlocuteurs découvrirent qu’ils avaient été combattants et ex-adversaires en Afrique. Même en Europe, la brousse facilite les rapports entre blancs.

— Votre général a eu de la chance, dit l’Allemand.

— Comment ?

— « Voici comment ! Un jour je l’ai tenu au bout de mon fusil, et il s’est fallu d’un petit mouvement de mon index, pour que sa brillante carrière fût terminée ! J’avais pour mission d’intercepter vos courriers à l’arrière. Accompagné tout juste du nombre d’hommes indispensable, je me trouvais derrière vos lignes. Croyant voir venir le courrier, je me blottis dans un buisson épineux, de façon à voir sans être vu, le fusil armé et prêt à tirer. J’attendis. Mes noirs s’étaient aplatis, invisibles, comme vous le savez. Une pointe d’avant-garde passa, puis un premier peloton ; derrière un gros de troupe s’avançait. Depuis un moment je me sentais engagé dans une vilaine aventure, mais je ne pouvais qu’attendre la suite des événements, sans bouger. Bientôt un officier parut, dans lequel je reconnus immédiatement un officier supérieur, qui n’était autre que votre général Tombeur. J’hésitais un instant sur ce que je devais faire ? Mes ordres formels portaient d’intercepter le courrier, et m’interdisaient de divulguer ma présence par des mani-