Page:Maurice Pescatore - Chasses et voyages au Congo, 1932.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
chasses et voyages au congo

Dar-Es-Salam, le 15 novembre 1928, au soir.

L’entrée dans la rade de Dar-Es-Salam se fait par un étroit goulet, on y voit la carcasse d’un chargeur éventré par une torpille, et plus loin la « Moeve » apparaît, au fond de la baie, coulée par les Allemands eux-mêmes. Involontairement on songe à l’agonie du « Koenigsberg » dont Paul Chack, avec une maîtrise si poignante, a conté l’agonie — là-bas au sud-ouest, dans les marais de papyrus.

Nos passeports étant visés à Bruxelles, nous débarquons sans autres formalités, en règle avec la police, pour laquelle avant Mombaza, nous avons rempli les formulaires, qui demandent, « sous quels faux noms nous avons déjà voyagé, de quels pays et pourquoi nous avons été expulsés, où, pourquoi et combien nous avons fait de la prison ? » Puis nous nous jetons dans les bras de la Belbase, nullement une belle femme comme son nom semble l’indiquer, mais une société belge de transports qui néanmoins nous recueille avec des soins maternels et nous délivre de tous nos soucis. Le lendemain après une nuit passée à l’ex-Kaiserhof des Allemands, remanié, non à l’anglaise, mais à la grecque, ce qui est beaucoup moins agréable, nous nous risquons avec prudence dans notre premier pousse-pousse, pas très sûrs de nous y prendre de la bonne façon et nous jetons des regards furtifs autour de nous, pour voir si les habitués nous observent en souriant ? Mais l’Anglais ne fait jamais de ces choses ! Du trot allègre d’un poney, les braves noirs nous mènent chez le consul de Belgique, qui gracieusement nous avait priés à déjeuner.

Ici m’attendait la première des rencontres stupéfiantes, que j’ai faites dans ce voyage.

Après un vrai bon déjeuner, dans une vraie maison, devant une vraie table bien servie — ceux seuls qui ont roulé leur bosse de par le monde, connaissent le sentiment agréable de s’y asseoir au sortir du bateau, du train ou en descendant du dos d’un chameau ou d’une mule et en gar-