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chasses et voyages au congo

à cette époque un capitaine au long-cours, originaire de Dundee en Écosse, y vendre des boîtes de sardines et mixturer des cocktails et cette année un ingénieur suisse essayer de renflouer l’épave. Tous les ans la ville ménage de nouvelles surprises et s’est transformée pour le grand bien de ses habitants, mais au plus grand dam de son originalité très spéciale, qui la distinguait des autres villes de la côte : dans sa baie, à chaque retour, moins de barques à rame manœuvrées par des coolies noirs vociférant et gesticulant, et plus de vedettes au pétrole qui accourent la proue en l’air, suivies d’un bouillonnement d’écume. Sur le môle des autos-taxis occupent le stationnement des victorias branlantes d’autrefois. Le bon vieux temps a connu devant les gares de banlieue entre les brancards des fiacres, de lamentables rossinantes rêvant à un glorieux passé. Ici, les véhicules, faisant oublier la pitié, accaparaient tout l’intérêt. Par quels avatars, d’où et par quel miracle, après quelles déchéances avaient-ils échoué en ce lieu. Rafistolés avec des débris de vieilles caisses en bois blanc, les garde-boue râclant le sol et retenus par des ficelles, les marche-pieds cédant sous la botte du client, ils faisaient la joie des voyageurs et les paris s’ouvraient à qui s’écroulerait le premier avant d’arriver chez la bonne Madame Quess à l’hôtel de France.

Depuis les inventions du dernier demi-siècle, l’électricité, la T. S. F., les camions-automobiles, quand la fringale de la mécanique prend une ville africaine, elle réalise par bonds des progrès que ceux d’entre nous qui ont vu le jour sous Napoléon III, et doublé le cap de la soixantaine sans être complètement gagas, ont mis une vie d’homme à voir appliquer en Europe. J’ai connu les salles de vente des marchands, les bureaux des messageries eux-mêmes, rafraîchis par des pankas, grands matelas de cuir suspendus au plafond, manœuvrés à l’aide de cordages par des serviteurs noirs, qui, vêtus à l’arabe de longues chemises blanches, leur imprimaient un mouvement de balançoire, pour établir