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EN MER

Enfin Marseille ! Est-ce parce qu’un beau dimanche de­ Carnaval, il y a longtemps hélas ! je fus mis au monde au milieu de l’un des grands crûs du Bordelais, sur les rives de la Gironde et que je suis moi-même un peu du Midi, est-ce parce que Marseille est pour nous plein de souve­nirs ensoleillés d’arrivées et de départs, de réussites et de déboires, ou bien est-ce tout bonnement par ce que Marseille est déjà un peu africain et teinté d’orient ? J’ai un faible pour Marseille ! Dès l’arrivée je me sens en pays connu ; les matelots du port et les porte-faix de la gare Saint-Char­les me reconnaissent et me demandent où je vais. J’y ai mes magasins favoris, les vendeuses sont avenantes, le ser­vice est bien fait, aussi bien et à des prix plus doux qu’à Paris et Bruxelles ; les restaurants sont bons et joyeux, les rues bariolées et amusantes, il y a de tout : des Mireille aux regards noirs et des pêcheurs tannés ; des hommes d’affaire, rasés de près, au menton bleu, jouant à l’anglais, mais dont les yeux et l’accent dénoncent la naissance ; des matelots de toutes les nationalités, Marsouins, Français au pompon rouge, ceux des États-Unis coiffés du bizarre béret blanc aux bords retroussés ; des Arabes, des légionnaires en permission, des nègres et des Américains en world’s tour chronométré !

C’est ici que nos boys, frais émoulus d’Abyssinie et reni­pés à neuf, complets clairs et chapeaux de paille, prononcèrent ces paroles lapidaires de l’air d’« un nègre arrivé » : « quand les gens ils nous voient ils disent, ça pas noirs, ça américains ». Tout cela grouille, gesticule et s’attable le long de la large avenue qui mène à la mer et qui s’ouvre