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chasses et voyages au congo

et d’aller visiter les endroits où l’on fait escale parfois près de 24 heures. C’est dire qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que notre voyage fluvial ait pris exactement dix jours, pour parcourir un espace de 1.600 kilomètres environ, distance entre Stanleyville et Kinshassa. Le paysage change d’ailleurs souvent d’aspect et à tout moment un autre spectacle se déroule à nos yeux. Au départ, il y a d’abord une troupe de négrillons entièrement nus qui plongent pour ramasser les sous qu’on leur jette, et encore plus avidement les bouteilles vides qui sont comme tout le monde sait, la grande passion du nègre. Nous saluons au passage la Mission catholique de Saint-Gabriel, et peu après, nous voyons arriver une barque entièrement pavoisée de drapeaux belges et qui amène une dame à bord ; les enfants tout de blanc vêtus qui l’accompagnent, chantent un hymne qui n’a rien de congolais, mais font deviner que nous sommes en présence des hôtes d’une mission protestante.

Il (le fleuve) est encore plus large que je ne me le figurais, et malgré tout ce qu’on m’en avait dit, plus semblable à un lac qu’à un cours d’eau, il est parsemé d’îles vertes et boisées qui nagent à fleur d’eau, et dont la végétation, arbres et buissons semblent pousser leurs racines dans l’eau même, comme d’énormes nénuphars.

Je l’ai vu jaune, bleu et, ce qui est plus curieux encore, brun comme du permanganate de fer, et ceci même jusque dans l’écume à l’avant du bateau et changeant ainsi à toute heure du jour et selon le temps, la profondeur et surtout les bancs de sable qui en modifient la couleur, et en entravent le cours : maintes fois j’ai vu le bateau arrivant ainsi sur un banc de sable devoir reculer, tourner, se débattre, et finalement toujours sortir vainqueur de la lutte, mais ce qui frappe le plus, et ce que je n’ai vu nulle part ailleurs, ce sont les îles innombrables qui flottent sur cette masse d’eau dont le débit est vraiment inconcevable.

Au passage de la Lokali, nous apercevons des noirs qui nous paraissent plus sauvages encore que ceux que nous