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chasses et voyages au congo

se trouvaient les tranchées belges. En descendant du bateau, nous avons l’impression d’aborder dans un autre pays, tant la population est différente de celle que nous sommes habitués à voir. Les hommes sont, paraît-il, des Batutsi et sont des sujets du roi Musinga ; ils sont beaucoup plus grande que la race nègre des Bantu qui prédomine dans toute l’Afrique centrale, et par leur ressemblance avec les Denkalis et les Somalis de la côte d’Ethiopie ils confirment le dire des historiens, qui prétendent que les souverains abyssins ont un jour étendu leurs conquêtes jusqu’à ces pays lointains et y ont laissé la trace de leur domination. Ces Batutsi qui constituent l’aristocratie du pays ont une élégance de maintien et même une certaine morgue hautaine, contrastant drôlement avec leur coiffure et leur accoutrement qui ressemble singulièrement à celle des clowns de chez nous. Leurs cheveux sont séparés en trois toupets invraisemblables, et leurs vêtements dans lesquels ils se drapent d’un beau geste à l’antique, n’est autre qu’une vile cotonnade à pois rouges comme on en achète à la foire aux marchands ambulants. Tant que durera notre séjour à Kiseny nous verrons à toute heure du jour, déambuler par deux ou trois, cette jeunesse dorée qui ne semble guère avoir d’autre occupation que celle de se promener.

Nous avons fait dresser nos tentes sur le mail aux ficus touffus, seule place de Kiseny où il soit possible de camper, et qui se trouve non loin d’une petite plage, où le lac comme la mer déferle sur la grève ; on croirait de véritables vagues et l’orage d’hier, formidable, a déchaîné une tempête dont on sent encore le contrecoup dans les flots agités. De ma tente, je contemple un grèbe naviguant comme un sous-marin qui laisse émerger son périscope et plonge à la moindre alerte ; bientôt il disparaît, dérangé par une troupe de négrillons qui viennent prendre leurs ébats dans l’eau, car le Kivu contrairement aux autres lacs du Congo n’est pas dangereux pour s’y baigner,