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chasses et voyages au congo

pendant que nous déjeunions, ils viennent me dire qu’ils ont cerné le gros gorille au milieu des siens, et qu’ils l’ont vu la figure en sang et gémissant, mais qu’ils n’ont pas voulu le tuer à la lance, pour que je puisse l’achever moi-même. Je me mets en route immédiatement, mais arrivé sur place après deux heures de marche, plus de gorille, les Pygmées qui auraient dû rester en observation pour l’empêcher de bouger, étant venus bêtement à ma rencontre. Nous reprenons la poursuite : outre sa figure blessée, le gorille doit avoir ma première balle, car nous trouvons du sang dans ses excréments, mais nous avons beau suivre sa trace, nous ne le retrouvons plus, et je rentre le soir au camp en loques et mort de fatigue mais sans résultat.

Les Pygmées doivent continuer les recherches le jour vivant, mais personnellement j’y renonce, car pour un blanc le terrain arrivé à ce degré n’est plus guère praticable, on avance trop lentement dans la poursuite, et la bête fuit toujours devant vous. Il y aurait un moyen d’arriver à l’atteindre et j’y ai bien songé, en organisant une battue, il est probable qu’on finirait par l’avoir, mais les Pygmées refusent obstinément de traquer, l’un d’eux il y a deux ans, ayant’été pris pour un gorille et tué par un chasseur poltron et maladroit. Malgré toutes mes objurgations, il n’y a pas eu moyen de convaincre les hommes Qu’ils ne couraient aucun danger avec moi, et il m’a fallu renoncer à la dépouille du gros gorille, pour me contenter de celle du petit exemplaire, que j’ai fait envoyer au musée de Tervueren’par les soins de la Ferme du Gouvernement.

Le métier que je viens de faire, et que sous aucun prétexte je ne recommencerai, est certes un des plus durs que j’ai jamais faits : mais s’il est sans plaisir, il est au moins très instructif. Car mon expérience personnelle me permet de détruire une légende : celle de la férocité du gorille. Les auteurs anglais et américains Barns et Burbridge ont raison sous ce rapport, tandis que les chasseurs d’avis opposé, semblent s’être laissé induire en erreur ou impressionner.