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chasses et voyages au congo

Le véritable esprit colonial fait défaut, et le grand mérite du Prince de Ligne est de s’être rendu compte de la lacune qui existe encore chez ses compatriotes sous ce apport, et d’avoir cherché à y porter remède.

Comme autrefois les Français au Canada ou à la Louisiane, comme de nos jours encore les Anglais et les Hollandais aux Indes, qui lorsqu’ils s’expatrient, partent pour la Colonie sans esprit de retour, et avec l’idée de s’y établir pour le restant de leurs jours, ainsi le Prince de Ligne a pensé qu’en faisant venir dans ses terres du Kivu des jeunes gens de bonne famille, non pour y vivre passagèrement quelques mois ou quelques années, mais pour y fonder un établissement durable, il arriverait à y créer un centre de colonisation de grande envergure dont le modèle servirait d’exemple par la suite. Poursuivant sa méthode, il a divisé la concession qu’il possède sur terre ferme en lots de 100 ha, et chacun de ces lots a été affermé à un employé différent, lequel est chargé de le mettre en valeur et devient responsable de sa bonne administration. Chaque détenteur d’un lot est d’ailleurs directement intéressé à la réussite de l’entreprise sous forme de participation aux bénéfices, par une ingénieuse organisation, il doit en dix années devenir propriétaire exclusif de cette partie du territoire qu’il exploite.

Je ne sais pas si le Prince de Ligne aboutira dans ses projets qui sont réellement grandioses, mais son œuvre mérite de réussir, surtout à cause de son but moral, civilisateur et belge, donc national. Et dût-elle même échouer, il n’en restera pas moins que le Prince’de Ligne est certainement « quelqu’un » et l’on verra plus tard que sa conception des choses était la vraie, et qu’un jour ou l’autre on devra y revenir. Mais les précurseurs ont toujours tort, et l’on ne suit généralement que longtemps après eux la voie qu’ils ont tracée…

Trois jours durant nous avons inspecté en tous sens le domaine de la Linéa qui s’étend le long du lac Kevu, devant