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chasses et voyages au congo

La Linéa, 17, 18, 19 janvier.

Une autre rencontre intéressante que nous fîmes rut celle du Prince E. de Ligne qui nous emmena à son exploitation de Linéa située à une vingtaine de kilomètres de Bukavu sur la rive gauche du lac. C’est une entreprise superbe et nous en sommes revenus émerveillés tant à cause du travail accompli en deux années à peine, que par les perspectives d’avenir qu’elle renferme.

En créant ses plantations, le Prince de Ligne n’a’pas eu seulement en vue la fondation d’une affaire lucrative, mais il y a ajouté une idée morale qui mérite d’être relevée.

Trop longtemps, on a considéré en Belgique que la Colonie était tout juste bonne pour y envoyer les mauvais sujets et les fruits secs que l’on ne pouvait employer dans la mère-patrie, ou qui y’étaient devenus des indésirables.

Peu à peu on a reconnu cette erreur, et l’on s’est rendu compte que pour réussir au Congo, il est’nécessaire au contraire d’y apporter des qualités d’intelligence et de caractère, sinon supérieures, du moins égales à celles qui assurent le succès en Europe ; et il faut en outre y ajouter une endurance physique et morale dont le colon aura plus besoin qu’un citoyen de Bruxelles par exemple. Malheureusement maintenant encore, quand les jeunes Belges partent pour l’Afrique, c’est avec l’idée d’y faire rapidement fortune, mais non avec celle de s’y créer un établissement durable, et cette mentalité a pour conséquence, qu’au lieu d’envisager les choses sous un angle d’avenir, on n’a que le présent en vue, et on bâcle des affaires qui sur le papier paraissent mirifiques, mais qui en réalité ne reposent sur aucun fondement sérieux. En outre, on n’a que peu de souci du matériel humain qu’on emploie, puisqu’on considère son rendement comme un besoin passager, et on le pressure à l’excès, au lieu de s’en servir en bon père de famille qui cherche à le ménager pour le faire durer le plus longtemps possible.